Grands évenements et personnages
Mai 68

Chronologie succincte de quelques faits marquants 
entre le mercredi 1er mai et le vendredi 10 mai 


Préambule, mon vécu personnel

J’ai pratiquement été témoin involontaire du tout début des barricades de mai 68 (je m’en rappelle comme si c’était hier : j’avais 12 ans). En effet, du jeudi 2 mai au dimanche 5 mai 1968, nous étions en séjour chez mes grands-parents maternels à Noisy-le-Sec pour le baptême de mon petit frère (samedi 4 mai). Le séjour, la visite de Paris et le baptême étaient bien-sûr programmés depuis plusieurs mois. La veille du baptême, le vendredi 3 mai après-midi, nous nous promenons dans l’Ile de la Cité où se trouve la Cathédrale, le quai de l'Horloge et sa « Conciergerie - Palais de la Cité » (ancienne résidence des rois de France du Xe au XIVe siècle, devenue une prison sous la révolution, abritant dans les années 60 / 70, le Palais de Justice, la Préfecture de Police, le 36 quai des Orfèvres), à proximité du Quartier Latin, sans la moindre idée de ce qu’aller vivre le quartier en fin de journée. En milieu d’après-midi, nous constatons un branle-bas combat, une agitation particulièrement importante dans le périmètre de la Préfecture de Police : préparation des véhicules,… (à l’époque, une partie du parc des véhicules légers est composé de « Dauphines » blanche et noir, avec un gyrophare au milieu du toit). Le soir chez les grands-parents, nous découvrons au journal télévisé de 20h00 les premières barricades au Quartier Latin. 
 
Occupation de l’usine Renault-Billancourt ¤ Défilé du 1er mai depuis 1954 
 
Mercredi 1er mai

Des ouvriers de Renault-Billancourt occupent spontanément leurs ateliers. La CGT procède au premier défilé de rue depuis qu'il avait été interdit en 1954 à causes des affrontements à l'aube de la Guerre d'Algérie et remplacé par un rassemblement à la Pelouse de Reuilly 
 
Incendie à la Sorbonne - A Nanterre, la révolte monte d’un cran 
 
Jeudi 2 mai

7h45, à la Sorbonne, un incendie éclate au bureau de la Fédération Générale des Etudiants en Lettres (FGEL). On frôle le drame, car un logement est occupé au-dessus du local. A Nanterre, la révolte monte d’un cran, c’est le branle-bas de combat sur le campus. En prévision, on s’arme de gourdins, de boulons, on fabrique des cocktails Molotov et entasse des barres de fer. En fin de matinée, le doyen de Nanterre, et le recteur se rendent sur place pour constater la situation avec le directeur des enseignements supérieurs du ministère. Ils sont inquiets. A 19h00, décision de fermer Nanterre : devant la tournure prise par les événements, le doyen, en accord avec le ministre Alain Peyrefitte et le recteur, décide de suspendre les cours et les travaux pratiques à l’université de Nanterre jusqu’à nouvel ordre à compter du lundi 6 mai à 9 heures. 

 
« Mai 68 » débute véritablement à la Sorbonne ¤ Premières barricades au Quartier Latin 
 
Vendredi 3 mai

12h00, le soulèvement des étudiants de Nanterre gagne le « Quartier Latin » à Paris. En accord avec plusieurs organisations d’extrême gauche (dont la JCR d’Alain Krivine), le Mouvement d’action universitaire, l’UNEF et le Mouvement du 22 mars s’associent au meeting dans la cour de la Sorbonne pour protester à la fois contre l’incendie des locaux de la FGEL, la veille, et contre la comparution de Daniel Cohn-Bendit et de ses camarades devant le conseil de discipline de l’Université le 6 mai. La police évacue 500 étudiants qui occupaient la vénérable faculté de la Sorbonne. Le commissaire procède à des contrôles d'identité et embarque plusieurs étudiants au poste. Aussitôt éclatent des manifestations dans tout le Quartier Latin, au cri de «Libérez nos camarades !», des barricades font leur apparition. C'est véritablement le début des « Événements de Mai-68 », qui combinent l'agitation étudiante, un mouvement social de très grande ampleur et l'opposition politique au régime gaulliste. 
 
15 h 35, le commissaire du 5e arrondissement reçoit une missive explosive de quatre lignes qui entraîne les premiers affrontements du Quartier latin : « Le recteur de l'académie de Paris, président du conseil de l'université, soussigné, requiert les forces de police de rétablir l'ordre à l'intérieur de la Sorbonne en expulsant les perturbateurs. ». La police va pénétrer dans la Sorbonne, alors que les bâtiments universitaires lui sont interdits. 16h15, les gardes mobiles bloquent les issues de la Sorbonne. 16h30, la rue de la Sorbonne est évacuée et ses deux extrémités sont bloquées. Pendant ce temps, les quelques étudiants échappés par derrière cherchent des renforts dans le quartier Latin. L’afflux des forces de police, le bouclage de la rue de la Sorbonne et de la rue des Écoles ont attiré, en un clin d’œil, une petite foule. Ceux qui déambulent boulevard Saint-Michel, badauds ou militants arrivés en retard pour le meeting, s’arrêtent devant le spectacle. 16 h 45, ils sont peut-être mille, mais, ils sont plus de deux mille à 17h00
 
17h15, on compte trois mille personnes aux abords de la Sorbonne. Les incidents sérieux commencent à 17h15 place de la Sorbonne, lors du départ du second convoi. La place de la Sorbonne est dégagée à l’aide de grenades lacrymogènes. Des manifestants se regroupent boulevard Saint-Michel et harcèlent les forces de l’ordre. Des cris s'élèvent, « Libérez nos camarades », « La Sorbonne aux étudiants », « Halte à la répression » et même « CRS SS » ; bientôt repris en chœur. La foule grandit, les cars de CRS ont du mal à se frayer un passage. Le préfet Grimaud est là en personne. 17h30, Boulevard Saint-Michel, devant le lycée Saint-Louis, un premier pavé fuse. Il fracasse la vitre d'un car de CRS et fend le crâne du brigadier Christian Brunet qui s'écroule. La réponse est immédiate. Les policiers chargent, repoussent les manifestants en matraquant tout sur leur passage. Les rangs des contestataires grossissent. Tout le monde goûte à la répression, les manifestants, les passants, les étudiants, les clients des cafés, commerçants, touristes, riverains, ceux qui veulent s'interposer… Les policiers s’efforcent de repousser les manifestants sans cesse plus nombreux vers la place Saint-Michel et la Seine. Les arrestations se multiplient. Elles ont nécessité l'usage de grenades lacrymogènes. Pour la première fois, des jeunes occupent le pavé parisien. L'explosion de violence stupéfie les policiers. 
 
18h30, le quartier Latin est en état de siège. Les manifestants se comptent désormais par milliers. C’est une mini-guérilla urbaine qui commence. 20h05, les premières barricades sont édifiées, à l’aide de grilles d’arbres et de panneaux publicitaires notamment. 20h25, le quartier Latin est un champ de bataille où s’affrontent des militants organisés en petits groupes et des gardes mobiles souvent débordés.  21h00, l’émeute est maîtrisée. Après cinq heures d’affrontements, le quartier retrouve son calme. Bilan : 83 policiers blessés, et 574 arrestations, dont 179 mineurs, 45 femmes, 58 étrangers. Les Renseignements généraux ont soigneusement conservé jusqu'à aujourd'hui les 574 fiches des interpellés du 3 mai. On y retrouve, encore presque anonymes, des hommes qui depuis ont fait leur chemin, dont de futurs ministres de gauche… comme de droite. Les leaders sont embarqués : Alain Krivine, dirigeant trotskiste de la "Jeunesse Communiste Révolutionnaire", Jacques Sauvageot, n°1 de l'UNEF, Daniel Cohn-Bendit et Henri Weber (sénateur PS) ; mais on trouve aussi Brice Lalonde (fiché comme président de la Fédération des Groupes d'Etudes de Lettres FGEL)  ) et José Rossi, futur ministre UDF d'Édouard Balladur, présenté comme « membre du bureau exécutif de l'Association Nationale des Jeunes du Centre Démocrate ». Mai 68 a commencé. 
 
Nuit des barricades (

Vendredi 10 mai - samedi 11 mai

 
La Nuit des barricades est un événement très important de mai 68, survenu du 10 au 11 mai 1968, qui a fait basculer les manifestations de Mai 68 de quelques milliers de manifestants à une grande manifestation le 13 mai 1968 en réunissant des centaines de milliers à Paris, avec des déclinaisons dans la plupart des villes de France. Exactement une semaine plus tôt avait eu lieu, le vendredi précédent, des affrontements spontanés entre étudiants et policiers à la suite de l'ordre, inattendu, donné à ces derniers d'arrêter plusieurs dizaines d'étudiants qui participaient à un meeting dans la cour de la Sorbonne. Ces affrontements avaient été suivis les lundi, mardi et mercredi suivants de protestation pour obtenir la libération des personnes détenues, ce qui sera accepté par le Premier ministre Georges Pompidou dès son retour de voyage le 11 mai. 
 
Manifestations de la soirée - La mobilisation des lycéens, absents des manifestations précédentes, augmente rapidement le vendredi 10 mai et revient à tripler l'importance de celle des étudiants le premier jour des affrontements, alors complètements imprévus, avec la police devant la Sorbonne le 3 mai. La jonction des lycéens avec les étudiants s'opère vers 18h30 forme et un cortège de plus de 10.000 manifestants selon la police, qui part "à l'hôpital Saint-Antoine !" vérifier n’y a pas eu de morts lors des précédentes manifestations puis scande "à l'ORTF !" pour protester contre la couverture média, mais apprend que la rive droite est bloquée par CRS pour protéger les Champs-Élysées. 
 
Viendra ensuite l'apaisement 
 
Au grand dam des étudiants, les syndicats vont négocier pour leur compte la sortie de crise avec Georges Pompidou. C'est ainsi que sont signés les accords de Grenelle (la rue de Grenelle abrite l'hôtel Matignon, résidence du Premier ministre). Le gouvernement entérine une augmentation générale de 10% des salaires. Le SMIG (Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti, remplacé plus tard par le SMIC, Salaire Minimum Interprofessionnel de Croissance) est, lui, augmenté de 35%, ce qui le porte à... 500 francs par mois (environ 75 €uros). Le 30 mai, de Gaulle, après quelques jours de flottement, annonce à la radio la dissolution de l'Assemblée Nationale. 
Liens cliquables :

Diaporama "Mai 68 en images" :