Arts et Traditions Populaires 1ère Partie - Caramentran en Provence
Le village de Murs
MURS en Provence
Perché en sentinelle sur un promontoire des Monts de Vaucluse, le Village de MURS se trouve en partie septentrionale du Parc Naturel Régional du Lubéron, à 9 km au Nord de Gordes, du Village de Bories et de l’Abbaye de Sénanque (et à 17 km d'Apt, 48 km d'Avignon, 57 km de Manosque), avec de superbe vues sur la falaise de Lioux, la plaine du Calavon et du Lubéron. Village ancien, plein de charme, aux maisons de pierre montant jusqu’à l’église romane et au château, dans un écrin de collines et de forêts, MURS domine des paysages immenses s’étendant des Préalpes au Luberon avec ses villages perchés puis aux Alpilles. Etendue sur 3200 hectares, la Commune de MURS est riche en patrimoine historique, architectural et paysager…
Le Carmentran à Murs
Carmentran à Murs
On fait Caramentran : nom masculin provençal, contraction de carême-entrant. On érige donc en place un Caramentran, mannequin bariolé que l’on a fabriqué pendant la période de Carnaval. Ensuite, pour clôturer le défilé, la foule déguisée lui fait un procès. Caramentran est immanquablement condamné à mort et brûlé sur la place publique.
Cette tradition est réapparue à Murs à la fin des années 70 sous l’impulsion de Jean-Marie, président du Foyer Rural de Murs. J’y ai participé pour la 1ère fois en 1983 à l’occasion de mon stage pratique DEFA au Foyer Rural de Murs (projet de réhabilitation « Les Lutins », missionné par la Confédération des Foyers Ruraux et des Associations en milieu Rural). A Murs, il est nommé « Carmentran », une effigie de carton mâché qui va subir la pire des sentences suite à son procès ! Au cours du carnaval du Carême, de nombreux Mursois se travestissent, se promènent dans les rues, et forment le Tribunal qui reproche au personnage tous les petits désagréments ou incidents qui ont émaillé la vie des habitants. L'inévitable sentence du bûcher exorcisera les méfaits passés, et la population repartira sainement pour une nouvelle année de vie communautaire.
Histoire du Caramentran en Provence
Le carnaval était une des fêtes les plus populaires en Provence.
Pendant la durée du carnaval, toute la jeunesse s’en donnait à cœur joie, le but étant de rire, de s’amuser, ce qui était source de débordements. Vêtus de hardes ou de vêtements féminins, les jeunes gens, le visage grimé ou masqué, parcouraient les rues en folles farandoles. Tous les excès étaient permis : à certains endroits, la jeunesse se rassemblait et chantait les mésaventures d’un mari cocu devant les maisons de ces derniers (ou supposés l’être).
Une mauvaise plaisanterie consistait aussi à préparer la " tardoule " (jarron dans lequel baignait un résidu d’huile auquel on ajoutait de la suie et des plumes !) et à la jeter dans la maison d’une malheureuse victime.
Une autre plaisanterie qui était assez courante est celle racontée par L. M. BLANC dans son livre, La vie à Allauch à la fin du XIXe siècle, p.31 : "un soir, rue des Michels, alors que le boulanger était encore au premier étage de son four, deux jeunes farceurs se postant sous sa fenêtre l’appelèrent ; ils tenaient en main "la sinso" ou "le patarassoun", ce chiffon lié à l’extrémité d’une longue canne et servant au nettoyage sommaire du four. Comme d’habitude alors, l’ustensile trempait dans le ruisseau et quand le boulanger parut à la fenêtre, il fut gratifié d’un barbouillage du peu ragoûtant instrument".
Cette ambiance festive et cette exubérance, bien que mal vue de la part des autorités civiles et religieuses, était néanmoins tolérée. Naturellement, le carnaval donnait lieu à l’exécution de nombreuses danses telles que celle des "fielouso" (quenouilles) : des jeunes gens revêtus d’habits féminins et tenant dans leur main une quenouille défilaient dans les rues la nuit et exécutaient la danse, entrecoupée de couplets sous l’œil espiègle de l’arlequin qui haranguait la foule.
La danse des folies d’Espagne était aussi très prisée des Provençaux : au milieu d’un cercle de danseurs armés d’un sabre, un jeune homme "mimait des déclarations d’amour à une jeune fille qui repoussait ses avances. Désespéré, il la poignardait et elle tombait à terre. La danse continuait et elle revenait peu à peu à la vie pour pardonner l’amoureux".
Pour le jour des cendres, on formait un cortège et tout en quêtant de maison en maison des victuailles (œufs, farines, etc...), la foule promenait Caramentran. Ce bonhomme, Caramentran (Carême entrant) était un mannequin grotesque souvent à l’image d’un personnage connu. On rejetait sur ce pantin de paille tous les malheurs de l’année écoulée et les Provençaux lui faisaient son procès devant un tribunal. En attendant sa comparution, on faisait durer son supplice en le promenant à travers le village, afin que tout le monde puisse contempler le responsable des maux de l’hiver.
Ce cortège donnait lieu à toute sorte de réjouissances, grâce notamment à la danse des Boufets (danse des soufflets) : munis d’un soufflet et vêtus de chemises de femmes, de bonnets de coton, portant des grelots aux bras, les danseurs arrivaient en deux files sur la place. Les joues enfarinées, ils faisaient une marche claudicante et chantaient des couplets grivois :
Sian uno bando de bravo jouventuro >> Nous sommes une troupe de joyeux jouvenceaux
Avèn un grand fue que nous brulo >> Nous avons un grand feu qui nous brûle
Se sian imagina pèr se lou fa passa >> Nous avons imaginé pour se le
faire passer
De prendre dei boufet au cuou se fa boufa >> De prendre des
soufflets et se souffler au cul
Au cuou se fa boufa au cuou se fa boufa >> Et
se souffler au cul et se souffler au cul
A la fin du couplet, ils approchaient le soufflet du postérieur du camarade précédent et soufflaient dessus. Puis venait le moment du jugement. Attaché, le mannequin se voyait entouré du cercle chahuteur et menaçant des jeunes du village. Chacun à son tour s’avançait et témoignait contre l’homme de paille.
Caramentran avait évidemment droit à un avocat, mais l’art oratoire de ce dernier ne valait rien : Caramentran était déjà condamné. Alors l’accusateur public prononçait la sentence de mort. Généralement, Caramentran était noyé ou brûlé sur un bûcher. Et pendant cela s’élevait la chanson d’adieu à Carnaval, "Adiéu paure carnava", marquant ainsi la mort de l’hiver.
Très souvent, Carnaval se terminait autour d’un aïoli monstre rassemblant tous les villageois.
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